La culture, c'est comme la confiture...

Prononciation des mots "farang" par les siamophones        

        Que vous soyez résidents ou de passage en Thaïlande, vous avez sans doute remarqué que les locuteurs de la langue thaïe ont une façon bien à eux d'écorcher les noms et mots [de la langue] farang (i.e. anglais ou prononcés à l'anglaise). N'y voyez là aucun "barbarisme", ils ne font [au contraire] que suivre leurs propres règles de phonétique (et elles ne sont pas plus incongrues que les nôtres, demandez aux étrangers qui apprennent le français).

          Par exemple, il n'y a en thaï que six "phonèmes consonantiques" pouvant se retrouver à la fin d'un nom ou d'un mot. Il s'agit des sons P, T, K, M, N et NG. Cela veut dire que, en thaï, les noms ou les mots se terminant par une consonne ne peuvent avoir qu'une de ces six "sonorités" finales, donc pas de sons correspondant à nos B, D, F, G, J, L, R, S, X ou Z (en position finale).

          Essayez de faire prononcer le chiffre anglais "six" (i.e. sikss) par un ou une Thaïlandais(e) qui pratique peu la langue de Shakespeare: c'est quasiment impossible, du fait de leur conditionnement phonologique.

          C'est pour cela que, paradoxalement, le mot "sex", dans la cavité buccale des autochtones, reste un peu "sek" sur les bords. Et vous n'entendrez jamais un enfant thaï faire "kss! kss!" pour narguer ses petits camarades.

          Par contre, les noms ou les mots se terminant pas une voyelle ou une diphtongue (a-i, voire une triphtongue: i-a-o), ainsi que les semi-consonnes ("Yeu" et "Weu") ne posent pas de problème.

          Autre spécificité, parmi d'autres: en position finale, les lettres thaïes correspondant à nos J, CH, D et S sont toutes les quatre prononcées "T".

          Le R, le L et le Y se prononcent "N". Le B se durcit en "P". Quel meilleur exemple que le nom du roi: en thaï, il s'écrit ภูมิพล อดุลยเดช "Phoumiphol Adulyadech" mais se prononce "Phoumiphon Adulyadet". Lorsque vous voyez le nom du chef-lieu de province (Chonburi) transcrit par "Chol-Buri", ce n'est pas vraiment une erreur mais cela se prononce tout de même "Chon-Buri".

          Les noms étrangers subissent donc un sort identique: Paris (qui soi-disant sera toujours Paris), prononcé à l'anglaise "Pariss", devient "Paritt" pour les Thaïs.

          Le prénom Pascal (ou Pascale) se nasalise en "Passekann" (car en plus les Thaïs ont du mal avec les consonnes accolées comme sc, sp, st…).

          "Michel" se transforme en "Micheou".

          "Lotus" (prononcé "Loteuss" par les anglophones et transcrit comme tel en caractères thaïs) est consciencieusement régurgité en "Loteutt" par la bouche de nos amis (frères et sœurs?) siamois.

          Ces quelques exemples ne servent qu'à illustrer le pourquoi du comment de ces distorsions qui peuvent nous paraître bizarres mais qui ont une explication très "académique".

          Une autre particularité typique des Thaïlandais (sinon des Asiatiques) est de prononcer le R comme le L, non seulement dans les noms étrangers (i.e. "Paritt" se dit aussi "Palitt" et "Raymond" devient "Lemon") mais aussi dans leur propre langue (par exemple, "Farang" devient "Falang" et "Reua", le bateau, est souvent prononcé "Leua").

          En thaï, les «vocables» provenant du Sanskrit et du Pali ont souvent une orthographe plus compliquée que les mots du terroir qui sont généralement monosyllabiques.

          Pour simplifier la prononciation des termes "importés, (tout en conservant leur forme complète par souci étymologique), il a été décidé de placer un accent sur la dernière syllabe pour la rendre muette.

          A priori, cela ne vous intéresse pas mais pourtant vous avez dû remarquer qu'il en va de même avec certains mots étrangers: ainsi "town-house" เทาน์เฮาส์ est prononcé "thao-hao" à cause justement de cette "loi du silence" qui s'applique sur certaines  terminaisons.

Raymond Vergé

D'où viens-tu, farang ?

L'origine du mot "FARANG" en thaï est sujette à caution. Plusieurs sources parlent de la transcription du mot "FRANÇAIS" datant de l'époque des ambassadeurs envoyés par Louis XIV en pays de Siam et qui phonétiquement aurait donné "FARANGSET", (aujourd'hui d'ailleurs toujours en vigueur !) et qui plus tard aurait été tronqué en "FARANG" pour désigner tous les occidentaux, de la même manière que l'on dit les "GRINGOS" en Amérique latine (hispanophone) pour parler de tous les blancs, qu'ils soient nord-américains ou pas.

Mais revenons sous nos latitudes: les Thaïlandais ont du mal à prononcer deux consonnes accolées, comme FR, et ils les séparent donc par la voyelle A, d'où la syllabe "FAR".

En outre, il n'y a pas, en langue thaïe, notre équivalent de la voyelle "A" nasalisée, c'est-à-dire "AN". Ils sont obligés de transcrire par "ANG", en rajoutant la consonne NG, appelée "NGAU-NGOU" dont la prononciation, soit dit en passant, se trouve hors de portée de la plupart des… farangs. C'est ainsi que FRAN (de "FRANÇAIS") serait devenu FARANG...

On ne peut non plus ignorer la possibilité de l'assimilation du terme arabo-persan "FIRANGUI", qui pourrait venir de "FRANC" (à l'origine, terme générique pour les peuplades germaniques) et désignant celui qui vient de l'ouest (comme les croisés, puis les colons européens).

Or justement les marchands arabes et/ou indo-musulmans ont beaucoup fréquenté les côtes du Siam pendant des siècles et des siècles (amen). D'ailleurs, en thaï, le mot "FARANG" désigne aussi la goyave, fruit que l'on trouve en Inde et en Amérique tropicale, et le mot "MANN-FARANG" se traduit par "pomme de terre", deux produits manifestement venus de l'extérieur, c'est-à-dire amenés par des "FARANGS".

Et vu la tendance très asiatique à prononcer les "R" comme des "L", c'est "FALANG" que vous entendez le plus souvent, car si nous parlons beaucoup des Thaïlandais entre nous, ils parlent aussi beaucoup de nous entre eux!

Raymond Vergé



18/04/2008
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 38 autres membres