Un canular bien folichon

            [C'est du lard ou du cochon?]

 

            (Ou comment on joint le geste à la parole)

La guerre de Cent Ans (qui en a duré en fait cent seize, i.e. de 1337 à 1453) a donné aux armées anglaises et françaises l'occasion d'initier certains échanges de courtoisie qui ont pris par la suite une dimension internationale, pour ne pas dire universelle.

 

La veille de la bataille d'Azincourt (Pas-de-Calais), qui eut lieu le 25 octobre 1415 (Jeanne d'Arc n'était encore qu'un beau poupon de trois ans), les français, braillards belliqueux tels qu'ils se devaient d'être, croyant avoir partie gagnée (vu leur supériorité en nombre et en équipement), annoncèrent [par anticipation!] qu'ils couperaient le majeur de la main droite des soldats [anglais] qu'ils auront fait prisonniers. Sans ce doigt du milieu, il serait impossible aux archers ennemis de tirer leurs redoutables flèches et ils ne constitueraient donc plus un danger à l'avenir. Leurs arcs étaient faits en bois d'if, de l'arbre du même nom, i.e. yew tree, en anglais, et l'action de tirer à l'arc se disait donc "plucking the yew", ou, pour aller plus vite, "pluck yew" ('yew' se prononce comme 'you', c'est important à noter pour la suite).

Or, sur le champ de bataille, les troupiers de Charles VI se trouvèrent fort marris et dépités par leur défaite devant l'Anglois, et pour remuer le couteau dans la plaie, les vaillants archers d'Henry V firent aux vaincus un joyeux signe de la main droite en dégageant bien le doigt du milieu et en chantant à tue-tête "We can still pluck yew ! Pluck yew !" (i.e. 'nous pouvons toujours tirer à l'arc ! Tirer l'arc !'). L'expression passa donc dans le jargon militaire.

Mais comme "pluck yew" était quelque peu malaisé à prononcer pour les soudards, à cause des consonnes initiales dites 'affriquées' (qui se frottent, .i.e. 'PL'), une simplification s'opéra naturellement et cela se transforma progressivement en une seule consonne fricative labiodentale, c'est-à-dire 'F'. D'où le mot 'F…' devenu mondialement célèbre (que la bienséance nous interdit de citer ici en entier) et qui accompagne le salut de la main si caractéristique, avec le majeur pointant vers le ciel, pendant que le pouce se referme sur les trois autres doigts pliés… Voici pour l'anecdote.

Pour ce qui est de la vérité historique et étymologique, on ne peut malheureusement y accorder de crédit. En fait, il paraîtrait que ce geste amical remonte à la plus haute antiquité. Dommage, saperlipopette, car comme disent nos amis italiens «"se non è vero, è molto ben trovato"», i.e. si ce n'est pas vrai, c'est bien trouvé !

                                               Raymond Vergé

Doigt d'honneur

Publié le 08/02/2012 - Mis à jour le 09/02/2012 

http://www.slate.fr/story/49719/doigt-honneur-histoire

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Madonna s'est fait voler la vedette lors de son propre show de la mi-temps du Super Bowl dimanche 5 février, lorsque son invitée M.I.A. a tendu son majeur devant la caméra. Aux Etats-Unis, l'expression consacrée pour désigner le doigt d'honneur est «flipping the bird». Qu'est-ce que les oiseaux viennent faire là-dedans?

Cette expression est née dans les années 1960. Les oiseaux sont, dans la langue anglaise, où l'on dit du public qu'il peut hululer comme des chouettes ou cacarder comme des oies depuis plus de 700 ans, couramment utilisés dans des expressions visant à railler les individus. Dans le dernier monologue de Troilus et Crissa, de Shakespeare, Pandare évoque, «cette crainte que j'ai que quelque maligne oie de Winchester ne me sifflât».

La pratique était si courante qu'au XIXe siècle, le mot «oie» (goose) est devenu un verbe. Au milieu du XIXe siècle, on passe de l'oie à l'oiseau en général, mais la chose se limite aux huées, aux quolibets et n'implique aucune gestuelle. L'expression «flip the bird» (litt: «faire sauter l'oiseau», que l'on peut, assez drôlement, rapprocher de l'expression française «sortir son petit oiseau», NdT) associée à un geste, naît dans les années 1960.

Mais ce geste obscène est bien plus ancien que cela. Comme de nombreux auteurs l'ont montré, le majeur est devenu un symbole pénien il y a plus de 2.500 ans. Dans la pièce les Nuées d'Aristophane, écrite en 423 av. J.-C., un des héros, Strepsiade, déclare en riant que lorsqu'il était enfant, il mesurait le temps écoulé en tapant son phallus plutôt que son majeur.

Si le fait de montrer son majeur à quelqu'un ne constitue pas forcément une insulte à l'époque, la chose est attestée dès le siècle suivant. Le philosophe grec Diogène fait ainsi un doigt d'honneur à l'orateur Démosthène au IVe siècle, pour lui signifier son mépris. Les Grecs anciens associaient également le pénis aux oiseaux, mais il n'est pas fait mention d'une association du majeur avec les oiseaux.

Les Romains avaient donné au majeur le surnom de digitus impudicus, le doigt impudique. Lors d'une de ses crises de folie, l'empereur Caligula aurait exigé que les sénateurs s'agenouillent et embrassent son majeur, une mise en scène on ne peut plus explicite.

Ce geste tombe en désuétude au Moyen-Âge, l'Eglise catholique désapprouvant son caractère trop suggestif. Il faut attendre 1886 pour qu'il soit fait mention d'un tel geste aux Etats-Unis: un lanceur de l'équipe de baseball des Boston Beateaners fait un doigt d'honneur sur la photo de son équipe.

Le majeur... ou le pouce

En Afghanistan, en Iran et dans d'autres pays, c'est le pouce qui représente le phallus. Faire un signe d'approbation à un Afghan en levant son pouce revient donc à lui faire un doigt d'honneur.

Nous ignorons si la Commission fédérale des communications (FCC) portera plainte contre NBC pour ce geste obscène. La FCC n'a jamais explicitement interdit le doigt d'honneur sur les écrans, mais la plupart des chaînes les pixélisent plutôt que de risquer d'être attaquées par l'organisme. Fox a reçu des plaintes de téléspectateurs qui pensaient que Simon Cowell, un membre du jury d'American Idol, s'était gratté la joue avec son majeur pour masquer un geste obscène.

Les autorités locales ou fédérales américaines ont à maintes reprises poursuivi des personnes effectuant des doigts d'honneur, comme le rapporte Ira Robbins, professeur de droit, dans un article publié en 2008 (PDF). Faire un doigt d'honneur à un policier est un excellent moyen de se faire arrêter, mais faire un doigt d'honneur à un de ses concitoyens peut suffire. La police a ainsi arrêté un chauffeur de camion-poubelle qui avait fait un doigt d'honneur à ses collègues devant témoins, ainsi qu'une femme qui avait fait un doigt d'honneur à un autre conducteur. Mais les juridictions plus élevées invalident généralement les condamnations de ce genre en appel, ce geste étant considéré comme relevant de la liberté d'expression.

Brian Palmer - Traduit par Antoine Bourguilleau



25/08/2009
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