Vichian Khemthong, un diplomate atypique

Trois questions à

Vichian Khemthong,

Diplomate francophone et amoureux de l'Inde.


Haut fonctionnaire du Ministère thaïlandais des Affaires étrangères, il a achevé sa carrière de diplomate à l'ambassade de Thaïlande de New Delhi en 2001, après avoir été en poste notamment au Brésil, au Bangladesh et en Norvège. Désormais à la retraite, il partage son temps entre Bangkok et ses patries d'adoption: l'Inde et la France.

 

Comment s'est déclarée votre francophilie ?

Au début des années 60, j'étais étudiant à l'université Chulalongkorn, filière Relations Internationales. En plus de l'anglais, le français était obligatoire, c'est là que j'y ai pris goût. En octobre 1969, alors que j'étais déjà au Ministère des affaires étrangères depuis 4 ans, j'ai obtenu une bourse d'études en France à l'université de Caen pour terminer ma thèse de doctorat en droit privé. On m'avait accordé 3 ans que j'ai réussi à prolonger de deux ans. J'ai commencé sous Pompidou et terminé sous Giscard, en juin 1974. Et puis il a fallu que je réintègre le Ministère à Bangkok. En 1975, on m'a envoyé au Brésil pour 4 ans, à l'ambassade de Thaïlande. Puis retour à Bangkok pour 4 ans, comme 2ème secrétaire au département politique, section Asie du sud. Ensuite, je suis reparti 4 ans comme 1er secrétaire de l'ambassade de Thaïlande au Bangladesh. C'est de là que j'ai fait mon premier voyage en Inde, et j'ai été littéralement fasciné.

 

Qu'avez-vous retenu de votre séjour en France ?

Ce fut une des périodes les plus heureuses de ma vie. J'adorais tout: la culture, la langue, l'histoire, la musique, la cuisine et surtout les gens eux-mêmes! Quand je suis arrivé, je me suis dit : «A partir de maintenant, tous les Français sont mes professeurs». J'étais toujours en fusion totale avec le bon peuple de France, de toutes les classes sociales, du notable au clochard, pour apprendre les différentes façons de parler, même l'argot ou les expressions typiques comme «Oulala, tu parles, non mais sans blague!». Je ne recherchais absolument pas les Asiatiques (qui ont tendance à se retrouver entre eux à l'étranger). Comme je logeais à la cité universitaire et que je mangeais au resto U, je faisais des économies et tous les mois je pouvais me permettre de passer 2 ou 3 jours à Paris. Muni du Paris Scope et de l'Officiel des spectacles, j'allais au théâtre, au musée, au cinéma. Que de bons souvenirs! La France était comme une deuxième patrie. La troisième, c'est l'Inde.

 

Justement, qu'y avez-vous trouvé ?

Ce pays m'intéressait depuis que j'étais étudiant. Le cinéma indien était très populaire en Thaïlande à cette époque. Pas seulement les tragi-comédies musicales mais aussi les grandes épopées mythologiques comme le Ramayana. J'ai aussi été marqué par des reportages sur les fêtes hindoues (notamment la Kumbha-Mela, qui rassemble des millions de fidèles tous les quatre ans) et sur Bénarès, un haut lieu de pèlerinage. Alors, quand j'étais en poste au Bangladesh, j'en ai profité pour aller visiter cette ville sacrée au bord du Gange. J'ai eu le coup de foudre car j'y ai reconnu mes racines spirituelles. L'Inde a influencé toutes les civilisations asiatiques. Le bouddhisme est issu de l'hindouisme. Le pâli des prières bouddhiques vient du sanskrit. J'ai vu ma propre culture sous un éclairage différent et l'apprécie donc encore mieux. La France et l'Inde, qui sont pourtant deux cultures très éloignées l'une de l'autre, m'ont permis de me construire en tant que Thaïlandais…

Propos recueillis par Raymond Vergé



14/10/2008
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